Les bonshommes qui marchent
En 2004, alors qu'il travaillait sur une carte des pistes cyclables dans le Hertfordshire, Stephen Wragg a eu une idée de génie. En regardant le bitume, cherchant les signes de vélo peints indiquant une 'cycle route', il s'est aperçu que les autorités s'étaient parfois inquiétées pour les piétons, et avaient indiqué clairement le trottoir à l'aide d'un petit bonhomme peint en blanc (comme on est au UK, je pense que c'est aussi pour s'éviter des procès en cas d'accident piéton/cycliste).
Et donc, en regardant par terre, il a vu apparaître une foule de petits bonhommes, tous différents:
Comme un entomologiste, il s'est empressé de les épingler et de les ajouter à sa collection, en prenant des photos de l'environnement dans lequel le bonhomme se trouvait (ci-dessus) ou des portraits de haut (ci-dessous)... C'est vrai que la peinture épaisse blanche, où l'on voit parfois encore les coups de gros pinceau, sur le goudron noir ou coloré, cela fait de jolies images. Il s'est aperçu que les Walking Men étaient très variés:
Car comme il l'explique sur son site, il n'y a pas de symbole officiel, juste des lignes directrices données par le département des transports. Voici à quoi les bonshommes devraient ressembler:
C'est sûr que la plupart des peintres n'ont pas dû regarder ces schémas de très près... Mais est-ce vraiment important qu'ils soient uniformes? Qu'ils soient obèses ou bossus, qu'ils portent une grille d'égouts ou danse le twist, on les reconnaît bien.
Cela fait sept ans que Stephen parcoure le Royaume-Uni, et sa collection est pleine de perles rares. J'aime beaucoup ce fantôme de Leicester qui vient même avec du lierre, pour la touche gothique:
Ou cet extra-terrestre de Manchester Airport (le peintre a sûrement fait une blague?):
Ou encore celui-ci, qui je ne sais pas pourquoi me fait penser à Charlie Chaplin... A moins qu'il n'ait simplement la jambe dans le plâtre?
Tous si uniques mais reconnaissables entre mille... Cela ne fait pas longtemps que ces Walking Men existent, peut-être une quinzaine d'années, et ils ne sont pas très utiles. Pourtant ils me rappellent deux grandes figures mystérieuses, que j'aimerais un jour aller voir: le Wilmington Long Man dans le East Sussex et le Cerne Abbas Giant dans le Dorset, qui datent tous deux du 17ème:
En tout cas cette collection, comme le dit si bien Stephen Wragg, est un triomphe de non-conformité, un symbole de la dérégulation et de la sous-traitance, un signe subtil d'expression personnelle dans un paysage urbain normalement rempli de panneaux de signalisations identiques. Mais au contraire d'un graffiti, c'est un signe officiel qui nous aide à nous repérer face aux voitures... La collection de Walking Men est un documentaire, ainsi qu'une oeuvre d'art par elle-même.
'I am also aware that in recording them, and drawing attention to their diversity, our friends in the Highways department may well become self-conscious and insist on more rigorous standardisation. So we have to appreciate them while they last, before creativity and individualism is stamped out.' Je suis conscient qu'en les documentant, et en attirant l'attention sur leur diversité, nos amis du département du transport pourraient devenir mal à l'aise et insister sur une standardisation rigoureuse. Donc nous devons les apprécier tant qu'ils durent, avant que la créativité et l'individualisme soit effacés.'
Vous pouvez voir plus de bonshommes sur le site de Walking Men, où vous pouvez également envoyer vos spécimens pour que Stephen les ajoute à sa collection...