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Londres calling
10 août 2011

Les UK riots

Anarchy-in-the-UK

À un an des JO, Londres et le Royaume-Uni ont la honte. La faute à ces rioters et looters (émeutiers et pilleurs) qui ont envahit les rues du pays depuis samedi soir (lire le résumé du Monde). Je les ai vus à la télé et dans tous les journaux, mais par contre dans les rues de mon quartier pas un hoodie (mec à capuche) malveillant en vue – et pas parce que c'est un beau quartier (à Londres de toute façon les maisons à £1 million côtoient les cités mal famées). C'est très bizarre, cette impression que cela se passe sur une autre planète, mais qu'en fait c'est seulement à un kilomètre de chez moi, et qu'il n'y a pas moyen de savoir si cela va venir plus près de la maison.

Hier soir, mon quartier était ultra-tranquille, avec tous les magasins fermés et vitrines protégées. Pas un chat, mais pleins d'uniformes. Il y avait apparemment 16,000 policiers en ville, parmi eux des renforts venus du nord et du Pays de Galles. Une réponse désespérée du gouvernement, qui espérait que la situation se calmerait toute seule. Finalement cela s'est avéré être le pire évènement de ce genre depuis des décennies, et tout le monde, du premier ministre au maire de Londres, a du abréger ses vacances. Cameron a même rouvert le parlement ce jeudi pour une séance exceptionnelle.

Pour le moment, des incendies criminels, vols et pillages ont eu lieux dans de nombreux quartiers de Londres (voir carte avec vidéos) ainsi que dans des grandes villes du pays, comme Birmingham et Manchester. Vous pouvez voir des photos sur The Big Picture, ou le Guardian; en voici quelques unes:

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Des jeunes volent de l'acohol à Hackney. Photo: Kerim Okten/EPA

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Un incendie à Croydon.
Photo: Sang Tan/AP

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Aaron Bieber, 89 ans, inspecte les dégats dans son salon de coiffure, Tottenham.
Dan Kitwood/Getty Images

Image 10
Un magasin et une voiture de police incendié à Tottenham. Photo Leon Neal/AFP/Getty Images

Le départ de tout ça, c'est soi-disant la mort d'un jeune homme. Mais ce n'est qu'une bonne excuse qu'on trouvée les jeunes pilleurs pour en faire à leur tête et détruire leurs quartiers, attaquant les maisons et les magasins de leurs voisins. Un bon prétexte pour voler des baskets, des télés et des fringues. Et oui ce sont des vrais rebels without a cause (rebelles sans cause). Comme le disait un Londonien, "In some countries youth riot for freedom, our youth riot for ipads & trainers. They need to be stopped!" (Dans certains pays les jeunes font des émeutes pour défendre leur liberté, nos jeunes font des émeutes pour voler des iPads et des baskets. On doit les arrêter!)

Voilà à quoi ils ressemblent, ces jeunes (600 ont déjà été arrêtés):

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Les Londoniens sont scandalisés par ces yobs (hooligans). Certains commerçants sont près à en découdre, protégant leurs magasins avec l'aide de leurs amis, armés de bâtons. D'autres ont créés des sites commes celui-là (lire plus ici) pour attraper les malfaiteurs, d'autres encore ont distribué des gâteaux et des tasses de thé, ou retroussé leurs manches et sortis leurs balais pour aider à nettoyer les rues.

Image 9

Tous sont d'accord avec cette dame de Hackney sans peur, qui les engueule comme du poisson pourri. "Au lieu de vous battre pour une cause, vous courrez après des chaussures de sport. Sales criminels." La majorité des jeunes applaudissent les flics, et de nombreuses pages Facebook du style Supporting the Met Police against the London Rioters ont vu le jour.

Si la majorité des Britanniques est dégoûtée par ces évènements, comment se fait-il qu'une minorité ait décidé de passer à l'acte? Comment se fait-il que des jeunes de 14 ans soient près à risquer leur avenir pour une télé? Comment se fait-il que des adultes soient aussi désespérés et stupides pour voler des bouteilles de bière et des fringues de chez H&M?

C'est le résultat direct du chômage, de la situation économique, du manque d'avenir, d'une société complètement inégalitaire, des coupes budgétaires du gouvernement de Cameron qui commencent déjà à détruire les communautés les plus fragiles. Les rares rioters qui parlent ont tous dit: "We want to show the rich people we can do what we want." (On veut montrer aux riches qu'on peut faire ce qu'on veut). Quelqu'un de Tottenham à aussi dit à la télé que c'était le seul moyen de se faire entendre. Le résultat des dernières émeutes (en 1981) dans son quartier, selon lui, cela a été une piscine flambant neuve.

Ajoutez à cela une bonne louche de bêtise et d'ignorance, l'effet de groupe et l'inconscience des ados, un sentiment d'impunité, et des jeunes désoeuvrés en période de vacances scolaires (d'ailleurs dans leur fameux London's Burning, les Clash disaient déjà "London's burning with boredom now"; Londres brûle d'ennui maintenant), et vous avez un mélange détonnant.

Cet article de Zoe Williams sur les motivations des jeunes est très intéressant. "This is what happens when people don't have anything, when they have their noses constantly rubbed in stuff they can't afford, and they have no reason ever to believe that they will be able to afford it" (Voici ce qui arrive quand les gens n'ont rien, quand ils ont devant les yeux en permanence toutes les choses qu'ils ne peuvent pas acheter, et qu'ils n'ont aucune raison de croire qu'un jour ils seront capable de se les acheter". Une réflexion intéressante sur la société de consommation en panne.

Je laisse le dernier mot à un employé de la chaîne de librairie Waterstones qui à répondu à un journaliste: "We'll stay open, if they steal some books they might learn something." (Nous resterons ouvert, s'ils volent des livres ils pourront peut être apprendre quelque chose.)

PS: bien sûr on a déjà adapté la fameuse affiche Keep calm and Carry on aux circonstances:

Image 12 Keep

13/08/11 PPS: Je vous conseille également cet article de Peter Oborne, The moral decay of our society is as bad at the top as the bottom. Les politiciens et les riches n'ont pas à donner des leçons de morale aux moins riches... Et le comédien Russell Brand à lui aussi son mot à dire sur le sujet (un commentaire conseillé par Alice, merci).

Il y a eu également tout plein d'initiatives populaires pour aider les victimes des riots, dont Help Siva, qui a récolté plus de £13,000 pour aider un petit commerçant, et Keep Aaron Cutting, qui a amassé plus de £35,000 pour Aaron Bieber (cf photo ci-dessus), qui pourra ainsi réouvrir son salon et aider sa communauté. Les organisateurs de plusieurs initiatives pour récolter des vêtements etc pour ceux qui on tout perdu dans les incendies ont été inondés de dons. Les riots ont fait plus de £200 millions de dégâts, un fond spécial de £50 millions a été débloqué. Un peu partout dans la capitale on a vu apparaître des messages du type I love Hackney, ou comme ce mur à Peckham...

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Commentaires
C
http://peclet.wordpress.com/2011/08/14/les-emeutes-de-londres-revelent-aussi-une-success-story/
L
Merci Alice pour ce long témoignage, c'est toujours très intéressant de savoir comment d'autres vivent des évènements aussi inhabituels et inquiétants que ces riots. J'ai rajouté l'article que tu mentionne (ainsi que d'autre liens à la fin de mon post ci-dessus). Merci aussi pour ton gentil commentaire sur mon blog, et continue d'en parler autour de toi! à une prochaine...
A
Bonjour, tout d'abord un grand merci pour ton blog que je lis regulierement et qui me donne souvent un grand souffle de mieux-etre. Je le donne souvent en reference comme blog interessant aux gens que je rencontre et que j'aime bien.<br /> <br /> J'ai demenage de Finsbury Park a Turnpike Lane il y a quelques mois. J'y trouve un sens de la communaute et en meme temps une pauvrete materielle tellement visible que parfois je suis atterree. Mais ce que je ne 'vois' pas c'est cette violence latente. Tu parles d'etre loin de ces riots et en meme temps tres pres. Moi aussi je ressens cela et pourtant Wood Green est a deux pas et je pointais au chomage il y a quelques semaines sur la High Sreet de Tottenham. Et malgre tout je vis dans un cocon semble-t-il.<br /> <br /> Hormis les helicopteres, et mon voisin qui a des learning difficulties et qui s'est fait derober £200 hier apres-midi, et ces gamins qui se sont attaque au cadenas de mon velo et ne se sont pas inquietes de ma presence quand je leur ai dit que ce velo m'appartenait, cette violence de gangs dont il est question je ne la 'vois' pas et pourtant je sais qu'elle existe.<br /> <br /> Je suis allee a une reunion de discussion avec les habitants du coin et Ken Livingstone et nombreux parlaient de cette violence des gangs. Je marche dans les memes rues que tous ces gens, je cotoie les memes visages et je suis desemparee parce que je ne connais pas les codes, je ne percois pas les pressions qui se font. <br /> <br /> Ces vies en parrallel sont le plus surprenant a Londres. Alors oui peut-etre y a t-il moins de ghettos visibles mais cette notion d'enfermement symbolique dont parle Zoe Williams est probablement palpable pour beaucoup. Ce ne sont pas que des signes visibles (pour moi) mais toute une symbolique probablement imperceptible a beaucoup mais qui existe et domine les relations, les comportements, les ecarts.<br /> <br /> Je ne sais pas si nous comprendrons les riots. Je sais seulement que le fait qu'ils aient pu arriver si vite dit combien cette violence est contenue, maitrisee et combien c'est apres tout normal qu'elle explose. <br /> <br /> L'article de Russell Grant dans le Guardian d'hier est aussi pertinent. Ces vies dedoublees, ces ombres qui passent entre les gens demontrent une societe malade mentalement et moralement. Mais comment aller vers le mieux-etre, comment faire en sorte que ces vies parralleles se mettent a jour? C'est apres tout la structure de la culture britannique et son fondement basee sur des differences sociales qui se maintiennent a cause d'un code social de la tolerance, ce silence face aux realites sociales choquantes et ce refus de la confrontation. <br /> <br /> Pour ma part je n'ai pas pu m'empecher de ressentir la meme emotion que lorsque j'ai vu Mad Max il y a des annees. Une forme de surprise a la violence possible et malgre tout quelque part la reconnaissance de cet instinct de survie que nous pouvons tous eprouver face au danger. Scary stuff.<br /> <br /> Si tu veux passer par Turnpike Lane un jour tu seras la bienvenue. Pour le moment je te quitte pour postuler pour un job mais je vais continuer de lire tes petits mots avec grand plaisir. Bien cordialement.
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